Rencontre avec Laurence et Leila : « La cérémonie du thé est un art du geste »
Rouen-Japon : Comment prépare-t-on une cérémonie du thé ?
Laurence : Cela demande beaucoup d’entraînement, plus que de préparation. Il n’est pas besoin de beaucoup de matériel. Le chashaku (écope à matcha) et le chasen (fouet) sont typiquement japonais, créés exprès pour la cérémonie du thé. Ce sont des objets qui ont une âme, tout comme un sabre. D’ailleurs, souvent on leur donne un surnom. Le matériel est joli, admirable, mais toujours épuré et sobre.
Quelle est l’origine de cette cérémonie ?
– A l’origine, elle est liée aux moines bouddhistes, puis aux samurai. La cérémonie du thé précédait leur départ au combat : elle était importante à la fois par sa valeur apaisante, religieuse, mais aussi parce que le thé leur donnait davantage de force pour combattre. Les femmes s’y sont mises beaucoup plus tard.
Et dans le Japon d’aujourd’hui, dans quel cadre est-elle pratiquée ?
– C’est davantage quelque chose que font les Anciens. Elle a tendance à s’oublier. Les Japonais sont souvent très surpris de voir que des Français puissent la pratiquer !
Depuis combien de temps pratiques-tu ces gestes ancestraux ?
– Cela fait quatre ans – et je n’ai pas l’impression de savoir le faire encore ! On peut faire quelque chose au bout d’un an, mais c’est une approche. C’est comme la danse : il faut des années de pratique avant de pouvoir dire qu’on est vraiment danseur !
Existe-t-il plusieurs écoles, comme pour l’ikebana ?
– Oui. Il existe trois écoles principales, puis de très nombreuses écoles moindres. Nous faisons partie d’une de ces trois écoles principales.
Pour toi qui n’es pas Japonaise, que signifie la cérémonie du thé ?
– C’est une toute petite approche de la culture japonaise. C’est l’âme du Japon ; et on ressort de cette cérémonie comme on ressortirait d’une séance de yoga. Tout repose sur le geste : il y a une recherche du geste parfait, et c’est lui qui est important. Pour le réussir, il faut s’y abandonner.
C’est ce qu’aura pu voir le public lors de la démonstration de ce dimanche 16 septembre 2018 ?
– Le public a vu ce qu’on apprend en première année. Le pliage du fukusa, par exemple : ce tissu rouge pour les femmes, violet pour les hommes, et qu’on utilise pour purifier les éléments. Tout est dans la subtilité, le détail… On apprend comment fouetter le thé, avec une élégance et une perfection du geste…
Leila : « C’est encore mieux que je ne l’imaginais »
Pour cette cérémonie, Laurence avait à côté d’elle Leila, qui apprend elle aussi cet art ancien. « Cela fait un an que je pratique. J’ai toujours été intéressée par le bouddhisme et le Japon. Mes études aux Beaux-Arts m’y ont conduite également, et maintenant que je le pratique, c’est encore mieux que je ne l’imaginais ». Pour Leila, le secret de la progression réside dans une pratique très assidue : « Ce n’est pas facile à apprendre, notamment parce qu’il n’y a pas de geste superflu – d’où le côté zen. La cérémonie du thé est un art du geste, et pour qu’il devienne naturel, il doit se pratiquer le plus souvent et le plus régulièrement possible ».